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Bocuse d'or : les jus olympiques

Le Bocuse d'or fête ses 30 ans, et pour la première fois, "Monsieur Paul" n'est pas présent. Son fils Jérôme Bocuse prend la relève d'un événement considéré par les initiés comme les jeux olympiques de la gastronomie. Reportage à Lyon.

 

 

Sirha 2017

Le Bocuse d’Or se trouve au fond du gigantesque “Sirha”, un salon consacré à la gastronomie. 3.000 exposants, 19.700 chefs, 189.000 professionnels. Les stands présentent tout ce que vous trouvez dans une cuisine : de l’huile d’olive au caviar en passant par les viandes, les machines, la vaisselle et des innovations improbables dignes du concours Lépine. Après avoir traversé trois halls grands comme des terrains de foot-ball, vous n’êtes plus qu’à une trentaine de mètres du fond du hall 6 où est censée se dérouler la finale du Bocuse d’Or. Vous doutez. Le Bocuse d’or mérite-t-il sa réputation de “jeux olympiques de la gastronomie”. Un contrôle de badges plus tard, vous accédez à ce qui

ressemble à un village olympique: les petits stands ont laissé la place à des zones VIP de marques réputées et les badauds semblent avoir laissé la place à une popu-lation plus branchée. Tous les cinq mètres, une star!

Pierre Boulud, Jérôme Bocuse, Ari Vatanen, Alain Ducasse. Mais une image retient mon attention: sur le stand de Villeroy & Boch, une animation propose de peindre une statuette de Paul Bocuse en faïence. Parmi les participants, un chef arborant la prestigieuse

médaille de "Meilleur Ouvrier de France" (MOF, ndlr) se concentre comme un enfant avec son pinceau. Je m’approche, il peint sur la statuette le collier bleu blanc rouge de son idole, lui aussi “MOF”. Bienvenue aux

jeux olympiques des passionnés!

 

La finale

Les cris d’une immense foule retentissent un peu plus loin. Il faut passer un nouveau contrôle pour accéder au "stade" : une immense salle où 2 500 supporters sur-voltés observent les épreuves. Face à eux, 2 immenses

tables de 12 grands chefs chacune !, séparées par une petite table où Joël Robuchon et Orjan Johannessen - lauréat du dernier Bocuse d’or en 2015 - goûtent religi-eusement. Derrière eux, chaque candidat dispose d’une petite cuisine de 18 mètres carrés et de 5 heures trente cinq minutes. Vingt quatre pays se relaient ainsi sur deux jours. À l’heure dite, les assiettes sont présentées à la foule, aux journalistes et aux chefs qui photogra-phient, hument, goûtent et notent l’assiette selon des

critères précis. Même le gaspillage est pénalisé !

Le niveau est tellement haut que beaucoup de chefs s’entraînent pendant des années pour accéder au graal.

L’ambiance est conviviale et perfectionniste à la fois. Un peu comme sur le marathon de New York où les 40.000 coureurs sont tous au diapason d’un niveau élevé de perfectionnisme et de discipline. Il faut voir Léa Linster évoluer dans son élément et entendre les

éloges à son égard : c’est la seule femme à ce jour

à avoir obtenu le titre suprême !

 

Dans le jus!

À force de mariner dans cette ambiance, vous finissez par absorber. Vous avez envie de cuisiner, de faire plaisir à vos convives et vous attabler avec eux pour déguster de bons plats et un bon vin en oubliant tout le reste ! Partager, raconter, se remémorer, rire, s’enquérir.

Il y a de la vie dans cette confrérie ! Les chefs et leurs convives semblent fonctionner sur un mode authen-tique et ancestral basé sur la passion, la transmission, le goût de l’effort et du respect glané âprement après des décennies de labeur. Leur univers comporte de nom-breux codes qui permettent - comme dans une cuisine - de faire fonctionner ce microcosme de manière efficace. Les chefs étoilés, les “MOF” et les Bocuse d’Or se révèlent étonnement accessibles à Lyon. Ils incar-nent les gardiens du temple dont Paul Bocuse a construit le toit commun. En dépassant les petites riva-lités locales, ils ont développé leur business de manière spectaculaire. Les chefs sont sortis de leur cuisine, se sont émancipés et ont réussi à prendre en main leur destin. Trouver un investisseur, faire du con-sulting, rendre une étoile, livrer à domicile, ouvrir une adresse à Las Vegas : le business de la gastronomie regorge aujourd’hui d’opportunités et de business modèles originaux. Il est même possible de perdre de

l’argent au quotidien dans un restaurant étoilé en

compensant cela par la vente de produits dérivés

et de consulting.

 

Nation branding

Lorsque nous avions interrogé Milton Glaser, le créateur du logo "I love NY" au sujet du branding du Luxembourg, il avait insisté sur le fait de mettre en avant les produits du pays - recettes, vins, bières - pour faire passer le message principal de l’art de vivre et de la convivialité au Grand -Duché.

Alors certes, investissons dans les Fintech, mais gardons un peu de budget pour former une équipe capable d’ac-céder à la finale des Bocuse d’or.

Et si c’est trop compliqué, allons trouver Léa Linster pour trouver un moyen de collaborer avec elle. N’en déplaise à certains, elle a atteint le sommet dans une profession qui ne brûle pas ses idoles, mais qui au contraire leur dessine des colliers autour du cou ! Un logo “Luxembourg Mon Amour” sur le bras de Léa aurait à Lyon un impact planétaire.

 

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