Lord Norman Foster :
Le succès à grande échelle
Lord Norman Foster a obtenu ses lettres de noblesse en changeant le monde à coups de crayon. Une réussite qui pourrait rendre jaloux les plus mégalomanes.
Le mur invisible
De l’aéroport de Pékin qu’il a construit juste avant les Jeux Olympiques de 2008, Lord Norman of Thames Bank donne une définition simple : « C’est tellement grand que dans certaines conditions de lumière, vous ne pouvez pas voir le mur opposé du bâtiment ». Le toit en forme de dragon mesure plus de 3 kilomètres de long pour 785 mètres de large. En 2020, on estime que le trafic annuel y atteindra les 55 millions de voyageurs. Pour faire face à de tels projets, les bureaux de Foster + Partners emploient plus de 900 personnes répartis entre Londres et le reste du monde. Ensemble, ils recherchent le graal de tous les architectes : concilier dans un coup de crayon l’inspiration du maître et les contraintes techniques... en repoussant ces dernières à coups d’innovations, si nécessaire.
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La courbe parfaite
Né à Manchester en 1935, Lord Norman Foster a d’abord été diplômé de l’Université de sa ville natale. Il obtient dans la foulée une bourse qui lui permet de compléter sa formation à Yale où il décroche un Masters Degree en architecture. Il s’associe dans un premier temps avec Richard Rogers, puis crée en 1967 Foster + Partners. Le pont de Millau reste le projet le plus emblématique pour les français, mais sa signature est apposée sur des centaines d’ouvrages de toutes sortes, qui touchent chaque jour la vie de millions de per- sonnes. Il a modifié le panorama de Londres avec sa tour en forme d’ogive ou le Millennium Bridge ; celui de Francfort avec la Tour Commerzbank, de Berlin en imaginant le dôme transparent du Reichstag. Il signe également le lifting du Stade de Barcelone, les plans d’un campus universitaire entier en Malaisie, et le Spaceport de Virgin Galactic au Nouveau Mexique... pour ne citer que quelques exemples. Lord Norman Foster est également une marque de prestige que de nombreuses sociétés ont su exploiter : Deutsche Bank, Allen & Overy, McLaren, IBM ou Astana au Kazakhstan. Faire appel à l’architecte est devenu un « status symbol ». On ne compte plus les centres culturels, les ponts, les industries ou les projets urbains qu’il a conçus. Les récompenses non plus : lauréat de la médaille d’Or Royale d’architecture dès 1983, il a été fait Baron par la Reine en 1999.
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Le prix Pritzker
La même année, il entre dans le club très fermé des lauréats du prix Pritzker, considéré comme le prix Nobel des architectes. Il y retrouve ses illustres prédécesseurs : I.M Pei, Richard Meier, Frank Gehry or Fumihiko Maki. Son vieil ami Richard Rogers les rejoindra en 2007 pour avoir notamment signé le Centre Pompidou à Paris ou le Terminal 5 de Heathrow. Rogers, Fumihiko, Foster... Dans le Monopoly mondial des projets pharaoniques, c’est ce trio qui fut retenu par le propriétaire malheureux des Twin Towers, Larry Silverstein, pour imaginer le dessin des trois nouvelles tours. La construction de la première a d’ailleurs commencé. Les premiers containers d’acier en provenance du Luxembourg ont déjà été expédiés vers Ground Zero.
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Alliances
L’acier et le verre. En admirant les œuvres d’un architecte High Tech comme Norman Foster, c’est cette alliance qui s’impose. La banque HSBC à Hong Kong est un exemple fascinant de réussite. Au cœur du bâtiment, une structure complexe assure les fonctions vitales, tandis que l’enveloppe donne au bâtiment lumière, beauté et fonctionna- lité. Un troisième élément vient d’ailleurs parachever l’ensemble : l’air ! Il s’engouffre par les vastes espaces béants du rez-de-chaussée pour permettre une respiration naturelle. Le respect de l’environnement est une thématique récurrente chez l’architecte. Dès 1974, il introduit une conception innovante de transparence et d’ingéniosité avec le Sainsbury Centre for Visual Arts. Lorsqu’on évoque l’importance de la culture locale sur le travail de l’architecte, la réponse de Lord Norman Foster est sans compromis : « We take the lead with design* » (*Le design a la priorité). Cela dit, il peut arriver que le dessin subisse une influence locale, même si c’est sous une forme inattendue. L’aéroport de Pékin a par exemple bénéficié de l’expertise Chinoise dans la construction navale pour modeler des courbes subtiles dans de gigantesques éléments en acier.
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Produits dérivés
L’architecte a laissé aller son imagination vers des objets plus courants, à la manière d’un Philippe Starck : chaises, cuisines, éclairages, canapé, yacht, éolienne, et même des stations-service ! On peut toutefois estimer qu’il s’agit là d’exercices de style ludiques, car lorsqu’on l’interroge sur l’impact majeur que son œuvre laissera, Lord Norman Foster réfléchit quelques instants avant d’articuler calmement : « Au début, nous souhaitions réinventer les bureaux en abattant les frontières entre la culture des cols blancs et celle des cols bleus. Mais au fil du temps, nous avons surtout travaillé à connecter l’architecture et
l’infrastructure ». Quelle sensation peut ressentir l’architecte lorsqu’il admire le pont de Millau ou le panorama d’une métropole qu’il a modifiée ? De nombreux milliardaires sont obsédés par l’idée de laisser une trace après leur décès. Architecte de génie semble la voie royale pour parvenir à ses fins.