Milton Glaser
Né en 1929, Milton Glaser est l’auteur du Logo « I Love New York ». Mais il exposait déjà au MoMa avant de travailler pour « Big Apple ». C’est le graphic designer le plus admiré aux États-Unis. Interview.
Comment le design affecte-t-il la vie des individus ?
Tout dépend de votre définition du design : toute activité humaine est du design. Vous faites du design lorsque concevez un plat, une activité pour vos enfants, votre propre apparence. Le design est un acte volontaire dont chacun peut disposer. Une décision de prendre ce qui est pour en faire quelque chose d’autre. C’est également le résultat de cette action. Au final, la vraie question à se poser est de savoir qui est en charge d’un projet ou d’une décision. Le design est indissociable du pouvoir.
Comment un individu peut-il créer ce changement ?
Une démocratie qui fonctionne bien est celle où les citoyens sentent qu’ils ont le privilège, voire l’obligation de changer les choses : par exemple, inciter le gouvernement à changer une loi lorsqu’elle est mauvaise. Or pour parvenir à ses fins, les intéressés doivent créer un matériel apte à créer ce sentiment de changement. L’exemple du logo « I love New York » est emblématique : il a provoqué ce sens de responsabilité et de changement auprès de la population. Dans toute ma carrière longue de 60 ans, ce projet reste le plus mémorable. Il fonctionne à merveille depuis plus de 35 ans.
“Le design est indissociable
du pouvoir”
Milton Glaser
Comment expliquer ce succès ?
Un bon logo doit être persuasif. Le public réagit sur la base d’un choix. Pour influencer ce choix, vous disposez de deux leviers : d’abord le registre logique, en choisissant la couleur, le font, la forme qui semble convenir le mieux. Mais cela est insuffisant et explique pourquoi les designers ont besoin d’une formation artistique, apte à apporter la touche qui rendra un logo persuasif.
Pourriez-vous citer d’autres exemples ?
Parfois une simple phrase ou une image peut changer la direction dans laquelle les gens vont : le drapeau américain est par exemple un très bel exemple. Mais la swastica en est un autre. La répétition est profitable à un logo, mais il doit surtout être facile à mémoriser. Un individu doit pouvoir recréer l’image dans son esprit. Apple a réussi à faible oublier de nombreuses autres sociétés qui utilisaient une pomme. Coca Cola est une marque extraordinaire que tout le monde connaît, alors que la plupart des gens ne mémorisent pas le logo de Pepsi.
Quel conseil donneriez-vous au Luxembourg pour son branding ?
Je dois vous dire que des gens me payent des sommes faramineuses pour répondre à cette question. (Rires). Aujourd’hui, à titre personnel, je n’associe pas le Luxembourg avec quelque chose de spécifique. Je commencerai donc par amplifier des caractéristiques distinctives du pays. Par exemple, si on y produit du fromage, je ferai connaître des recettes, j’organiserai un festival du fromage, des dégustations, une journée « Cheese & pickles » … Je voudrais que les gens aiment le concept, le mémorise et en parle à leurs amis. L’important est que les gens comprennent que les visiteurs sont les bienvenus, tout en leur donnant des idées de visites. Le logo serait le fruit de cette réflexion approfondie.
“L’important est que les gens comprennent que les visiteurs
sont les bienvenus”
Milton Glaser
Comment mettre tout le monde d’accord ?
Il faut bien choisir le designer. Prendre un artiste talentueux. De l’autre côté, il faut utiliser l’élasticité des personnes en charge de la validation. Les gens puissants pensent souvent tout savoir. Il faut associer une création fantastique avec une audience ayant un esprit ouvert.
Y-aurait-il une valeur à choisir un designer célèbre, comme Starck ou vous-même par exemple ?
Tout le monde à un côté « Show Business ». Une célébrité pourrait apporter un plus, mais l’essentiel tient à la qualité de son travail. Il faut choisir quelqu’un de très talentueux.