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Herwig Temmerman et Dimitri Cordenier (BearingPoint) : Les crypto-actifs et leur impact sur l'industrie financière
Les crypto-actifs gagnent en popularité, et de nombreux investisseurs se tournent vers cette classe d'investissement alternative. Cette tendance présente à la fois des opportunités et des défis pour les institutions financières, telles que les banques, les dépositaires centraux et les fournisseurs de services de conservation d'actifs. Dimitri Cordenier, Manager, et Herwig Temmerman, Partner chez BearingPoint discutent de ces impacts et enjeux.
Quel est l'impact de l'expansion du marché des crypto-actifs sur le secteur des services financiers traditionnels ?
L’engouement des investisseurs et des clients bancaires pour les crypto-actifs pousse de plus en plus d'institutions financières traditionnelles à adapter leurs offres de produits et de services. Certaines sont encore en phase d’analyse tandis que d’autres ont déjà commencé à proposer des services tels que le trading et la conservation de crypto-actifs. Elles développent également de nouveaux produits et services spécifiquement conçus autour des actifs numériques, tels que les fonds d'actifs cryptographiques, les produits négociés en bourse (ETP), les certificats « trackers ». Beaucoup ont également commencé à proposer une exposition directe aux actifs virtuels en utilisant une technologie de dépositaire cryptographique dédiée. La technologie DLT, ou technologie de registres distribués, est également appelée à bouleverser d’autres piliers de l'industrie financière. Elle pourrait notamment transformer l'infrastructure des dépositaires centraux, redéfinir les services proposés par les fournisseurs de conservation d'actifs, et révolutionner les mécanismes de paiements internationaux, pour ne mentionner que ces domaines.
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" Fort de sa réputation en matière d'innovation et d'un environnement réglementaire propice, le Luxembourg se positionne comme un terrain d'accueil privilégié pour les nouvelles entreprises et les investissements dans le domaine des crypto-actifs."
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Pensez-vous que la mise en place d'une règlementation appropriée peut favoriser et favorisera l'adoption des services de crypto-actifs et de la technologie DLT par les institutions financières traditionnelles ?
Les pays européens ajustent progressivement leur réglementation pour répondre à l'émergence des crypto-actifs. Prenons l'exemple de la Suisse qui, il y a quelques années, a mis en place une loi spécifique sur la technologie des registres distribués (DLT). Cette initiative a dynamisé l'écosystème des actifs numériques du pays, donnant naissance à de nombreuses entreprises leaders dans le domaine des crypto-actifs, incluant des bourses d’actifs digitaux réglementées, des banques spécialisées dans la cryptomonnaie et des fournisseurs de technologies de pointe.
Dans la même veine, le Luxembourg a validé en 2019 un projet de loi permettant la détention de titres via des technologies basées sur la DLT. Depuis, le pays a progressé à son rythme, renforçant son positionnement dans l'industrie en pleine expansion des actifs numériques.
La future réglementation européenne, Markets in Crypto Assets (MiCA), votée en avril de cette année, promet d'apporter une clarté réglementaire et une orientation à l'industrie des services financiers liés aux crypto-actifs. Cette évolution bénéficiera non seulement au Luxembourg, mais également à l'ensemble du secteur financier européen.
Fort de sa réputation en matière d'innovation et d'un environnement réglementaire propice, le Luxembourg se positionne comme un terrain d'accueil privilégié pour les nouvelles entreprises et les investissements dans le domaine des crypto-actifs. En capitalisant sur ses forces en matière de finance et d’innovation, le Luxembourg est en passe de devenir un acteur clé de l'industrie en plein essor des crypto-monnaies.
On a beaucoup parlé de la technologie DLT qui bouleverse le secteur traditionnel des services de sécurité et de conservation. Le rythme d'adoption actuel semble plus lent que prévu. À votre avis, quelle en est la raison ?
Les acteurs du secteur financier ont multiplié les initiatives pour essayer d'appliquer la Technologie de Registre Distribué (DLT) à leurs cas d'usage. Cependant, malgré cette effervescence, aucune initiative à l'échelle du secteur n'est parvenue à s'imposer et à fédérer l'ensemble des intervenants. Par conséquent, aucune solution ou technologie basée sur la DLT n'a encore réussi à transformer de manière radicale l'infrastructure actuellement utilisée par les dépositaires centraux, les services de sécurité et de conservation d'actifs. Par ailleurs, plusieurs défis demeurent, comme l'assurance de la neutralité, la confiance des consommateurs, l'évolutivité de la technologie et l'interopérabilité entre l'infrastructure financière traditionnelle et celle, future, basée sur la DLT. Ces obstacles doivent être surmontés pour favoriser une adoption systématique. Cependant, il convient de rappeler que cette technologie est récente et que le marché évolue rapidement. Nous anticipons des avancées significatives dans les cinq années à venir, qui pourraient entrainer une adoption bien plus large de la technologie DLT dans ces secteurs.
Nous remercions Elena Chretien et Robin Domas-Lieux de BearingPoint pour leurs recherches.